Marijesiak et la Vida del Apostol Santiago el Mayor de Lezamiz



En 1699, José de Lezamiz, prêtre originaire de Durango, publiait à Mexico un ouvrage intitulé Vida del apostol Santiago el Mayor uno de los tres mas amados, y familiares de Jesu-Christ o unico, y singular patrón de España : con algunas antigüedades, y excelencias de España, especialmente de Viscaya.

Au Pays Basque, on ne trouve qu’un seul exemplaire de ce livre rare, conservé à la bibliothèque du Musée Basque.

A l’intérieur de ce volume se cache un texte en basque, fondateur d’une tradition encore vivace à Guernica, celle des Marijesiak.

 

Vida del Apostol Santiago el Mayor

L’ouvrage se divise en trois parties. La première raconte la vie de l’apôtre Saint Jacques le Majeur. La deuxième intitulée « Antigüedades y excelencias de España » revient sur des épisodes de l’Histoire de l’Espagne, la troisième «Otras antiguedades y excelencias de España y especialemente de Vizcaya » sur celle de Biscaye[i].

C’est dans cette dernière partie que l’on trouve « Las Coplas a la Encarnacion y Nacimiento de Nuestro Señor Jesu Christo » vers écrits en basque, bien que le titre soit en espagnol. José de Lezamiz a ici reproduit un texte issu de la Doctrina christiana en Bazquence publiée en basque en 1691 par Nicolás de Zubia, également natif de Durango. Celui-ci avait recueilli ces vers auprès de la population. Il n’existerait plus aucun exemplaire du document de Zubia.

Ces strophes quelques peu remaniées font partie des textes qui composent la version actuelle des Marijesiak de Guernica.

Marijesiak

Marijesiak est une tradition très vivante à Guernica et que l’on peut aussi retrouver dans d’autres villages de Biscaye avec des variantes et sous d’autres dénominations (Abendua ou encore Kebonikuak). A Guernica, elle consiste en une neuvaine chantée pendant la période de l’Avent (précisément du 16 au 24 décembre). A partir de quatre heures du matin, pendant une heure trente à deux heures, un groupe d’habitants de Guernica arpente les rues du centre-ville en chantant des couplets sur des thèmes bibliques, en particulier autour de l’Immaculée Conception, l’Incarnation et de la Naissance du Christ.

Ainsi, durant ces neuf nuits, suivant un rituel qui selon le bascologue José Maria Arana[ii] serait l’héritier d’une manifestation théâtrale, un soliste entonne des vers en marchant. Les autres chanteurs qui le suivent deux ou trois mètres derrière lui répondent.  Il y a un siècle, le chœur n’était composé que de cinq ou six hommes. Actuellement il est mixte et comprend environ quatre-vingt personnes. On chante toujours à cappella et chacun se doit de connaître les textes par cœur.

La déambulation est ponctuée d’arrêts aux seuils des églises de la ville où les participants s’agenouillent pour chanter.

Le dernier jour des Marijesiak, le 24 décembre, trois rondes sont effectuées, une à quatre heures, puis une deuxième à sept heures et enfin la dernière à dix heures du matin.

 

En 1919, l’ensemble des textes est imprimé pour la première fois par Pedro Bidaguren Garratza de Lumo, sous le titre Canta Barriak Gaboneracuac bederatzi egunian cantateco-Marijesiac burus euguiteco direnac o Cantos de Navidad para ser cantados durant nueve días, o sea, Marijeses que han de saberse de memoria  soit en français « Chants de Noël devant être chantés durant 9 jours des Marijesiak et devant être connus par cœur ». A l’intérieur on retrouve les quatre strophes citées par José de Lezamiz, légèrement remaniées.  

Le chant est composé de 75 strophes divisées en trois parties, chacune étant accompagnée d’un refrain. Ainsi, les 4 premières nuits sont entonnées les 32 premières strophes puis les 5 autres nuits, les 32 strophes suivantes. Enfin les dernières sont chantées le matin du 24 décembre. A chacun des trois actes correspond une mélodie et un refrain. Les trois refrains chantés sont les suivants : de la première à la  quatrième nuit “María, José, Jesús, María” (d’où est tiré le nom Marijesiak) de la cinquième à la neuvième nuit : “Jesukristo, adoratzen zaitugu” (‘Jésus Christ, nous t’adorons’); le matin du 24 décembre : “Da Bart Belenen jaio da Jesus Nazaren” (‘La nuit dernière à Bethléem est né Jésus le Nazaréen’.

 

 

Aujourd’hui, à Guernica, cette tradition reste profondément ancrée dans la culture locale et constitue un élément identitaire pour les habitants de la ville.

 

L’association Gernikako Marijesiak vient de réaliser un documentaire en basque (non sous-titré) intitulé Marijesiak 4:00 bederatzi gau hotzetan qui sera diffusé le samedi 28 décembre à 11h au Musée Basque et de l’histoire de Bayonne.



[i] Julien Vinson propose une étude de ce  livre dans un texte intitulé « Un vieux texte basque du XVIIe siècle » paru dans la Revue de linguistique et de philologie comparée en janvier 1888 puis dans la revue Euskal-Erria, revista bascongada la même année.