Les portes du réduit: porte de France et porte d'Hercule

Identifiée comme un lieu stratégique militaire dès l’époque romaine, Bayonne s’est dotée au fil des siècles d’une enceinte fortifiée de plus en plus élaborée. Au XIIes., un nouveau quartier, le Bourg-Neuf, aujourd’hui appelé Petit-Bayonne, est créé, avec de nouveaux aménagements assurant sa protection. C’est à ce moment qu’est construite la Porte Saint-Esprit, dont le but est de contrôler le grand pont en bois du même nom qui traverse l’Adour pour atteindre le faubourg Saint-Esprit. Cette porte, formant « porterie », était constituée à l’origine de deux tours et d’une herse.

Au début du XVIIe s., la porte Saint-Esprit est enfermée dans les murs épais d’un bastion construit par l’ingénieur du roi Desjardins. Ce bastion englobe aussi la tour bourgeoise et forme une puissante fortification qu’on appelle le Réduit (dernier élément de défense). A la fin du XVIIe s. et au début du XVIIIe s. est bâtie en avant de l’ancienne porte médiévale et devant le bastion, une porte monumentale baptisée Porte de France. Elle marque l’unique entrée dans la ville par le nord, c’est-à-dire depuis le royaume de France. C’est le passage qu’empruntent les grands personnages qui passent à Bayonne, les édiles municipaux allant les attendre en robe de cérémonie un peu en avant.


Sur un soubassement bâti les pieds dans l’eau, un premier étage est scandé de huit colonnes doriques d’ordre colossal dont deux jumelées encadrant, à gauche et à droite, l’entrée principale rectangulaire marquée par un décrochement. Les autres colonnes dessinent deux entrées latérales étroites au sommet arrondi, dont l’agrafe est surmontée d’une grande console. Un grand entablement à triglyphes repose sur les colonnes. Un deuxième étage en retrait est marqué par deux paires de pilastres ioniques entourant trois fenêtres ouvrant sur un balcon. La porte centrale est surmontée d’une niche qui abritait le buste du roi Louis XV. Le corps central est accosté de deux contreforts incurvés aboutissant à des boules décoratives. Les pilastres reçoivent un entablement haut supportant un grand fronton courbe.

 

2014.0.303 Bayonne, la Porte d’Hercule au Réduit Tirage photographique (aristotype), vers 1900

2014.0.303 Bayonne, la Porte d’Hercule au Réduit Tirage photographique (aristotype), vers 1900

La porte de France sert de paravent, non seulement, à l’ancienne porterie médiévale mais à un ensemble d’habitations qui donnent sur la cour intérieure du Réduit. L’entrée passe sous les habitations, au rez-de-chaussée, et débouche sur la cour par une grande porte de style néoclassique dite Porte d’Hercule car son tympan est orné de la massue et de la peau de lion du héros mythologique, timbré de l’ovale des armes royales - les trois lys de France - qui seront bûchées au moment de la Révolution. Deux tiges de maïs sont sculptées de chaque côté du tympan. La porte est entourée de deux pilastres colossaux surmontés de chapiteaux formant consoles au-dessus de la corniche. Une guirlande végétale orne chaque console.
 
La fin du XIXe s. marque la fin des contraintes militaires pour la ville, l’Espagne ne représentant plus une menace. Désormais, les fortifications sont un frein à l’urbanisation. Pour gagner des terrains constructibles et étendre la ville au-delà de ses murailles, la destruction d’une partie des remparts et casemates apparaît nécessaire ; pour cela, Bayonne doit obtenir son déclassement comme place forte militaire, décision qui intervient en 1906. Le Fort du Réduit et les portes qui le constituent, éléments emblématiques du paysage bayonnais comme l’attestent les nombreuses cartes postales éditées à la fin du XIXes., sont aussitôt détruits. Aujourd’hui, le seul vestige de cet ensemble, conservé à sa place originelle, est l’échauguette qui surplombe le confluent.
 
La disparition du Fort du Réduit entraîne une réaction de la part des Bayonnais qui s’inquiètent de la politique volontariste de démolition de leur patrimoine, prévue par les plans d’urbanisme radicaux de l’architecte parisien Bouvard dans les années 1920. Cette prise de conscience aboutit aux premières mesures de classements de l’enceinte au titre de Monuments Historiques.
 
La Ville de Bayonne songea un moment à reconstituer la Porte de France. En 1993, ce sont finalement les pierres du sommet de la Porte d’Hercule, avec son tympan, retrouvées enfouies sous l’actuelle place du Réduit, qui seront remontées au-dessus de la porte adossée à la poterne du Châteu-Vieux. Des pierres ont été retaillées pour compléter les vestiges de l’ancienne porte et trois fleurs de lys en bronze ont été refixées sur l’ancien blason ovale.
 
 
PH.64.5.1 Bayonne, le pont Saint-Esprit et la Porte de France Tirage photographique, vers 1900

PH.64.5.1 Bayonne, le pont Saint-Esprit et la Porte de France Tirage photographique, vers 1900